Beaucoup d’entre vous l’ont constaté ou entendu : j’ai voté contre le projet de loi « immigration » qui a émergé des longues tractations intervenues en début de semaine dans le cadre de la Commission mixte paritaire organisée sur ce texte, à la suite de l’adoption d’une motion de rejet le 11 décembre dernier. Au-delà de ce calendrier de procédures parlementaires, force est de constater que les dispositions qui en ressortent et qui ont été votées au terme de ces négociations reprennent, pour beaucoup, le dessein tracé par la droite sénatoriale. Personnellement, j’étais « pour » le texte du gouvernement et ensuite « pour » le texte sorti de la commission des lois de l’Assemblée nationale, mais pas pour le texte du sénat et encore moins celui de la Commission mixte paritaire.
Cette dernière quinzaine, j’ai reçu énormément de messages et de mails de votre part, les uns m’enjoignant à rejeter cette loi, les autres m’encourageant au contraire, à la soutenir sans réserve. Le sujet vous divise et déchaîne les passions, je le comprends. Chacun a ses arguments. Chacun les juge valables et légitimes, plus valables et plus légitimes que ceux du camp d’en face. Je les ai tous lus et considérés avec attention. Je n’estime pas qu’il y a une position plus respectable qu’une autre. Je n’ai jamais donné dans le jugement de valeur, ni dans la leçon de morale. En revanche, il y a des différences d’appréciation manifestes et en tout état de cause, j’espère que vous serez en mesure de comprendre et d’accepter que sur ce sujet il n’est pas aisé de suivre une simple ligne de vote sans s’interroger en son for intérieur.
Parce que c’est ma responsabilité de vous rendre des comptes, je veux vous expliquer ici ce qui a commandé mon vote et ma décision.
Même si je n’aime pas mettre cet élément en avant car je déteste que l’on me résume à cela, il y a d’abord bien sûr mon histoire personnelle. Aucun individu je pense ne peut s’affranchir d’un contexte familial, moi en tout cas je ne le peux pas. Je suis née au Maroc et je suis arrivée en France à l’âge de deux ans. Mes parents y sont venus dans l’espoir d’offrir à leur famille des perspectives d’avenir plus stables que ce qu’ils pouvaient projeter au Maroc. Ils y ont travaillé, ils s’y sont insérés et y ont élevé leurs enfants et tous nous avons « socialement réussi » comme on pourrait dire. Mais comme dans beaucoup de familles, il y a eu aussi des épisodes difficiles, des périodes de disette, que nous avons surmonté grâce à la solidarité nationale. Ma trajectoire et celles de mes frères et sœurs n’auraient pas été la même si la société française ne nous avait pas offert les outils pour rebondir. Cette solidarité nationale pour quiconque est présent sur notre sol a toujours été pour moi un objet de fierté, un modèle que beaucoup nous envie. Il est aujourd’hui remis en cause dans son principe même.
Il y a ensuite les raisons de mon engagement politique auprès d’Emmanuel Macron. Comme tous les Français, la vague d’attentats qui a sévèrement frappé la France en 2015 notamment, a été un choc. Mon premier réflexe pour être utile à mon pays dans ce contexte, a été de m’engager dans la réserve citoyenne, auprès de l’armée de terre, la réserve cyberdéfense, afin de mettre mes compétences et mon réseau au service des intérêts de la France. Mais dans le même temps, j’ai été particulièrement attristée et affligée par le réflexe de recroquevillement qui a conduit le président de la République d’alors Français Hollande à mettre sur la table le principe d’une déchéance de nationalité pour les binationaux. Comme tous les binationaux, j’en fus heurtée car cela disait finalement quelque chose sur la manière dont on ne considérait pas les binationaux comme des vrais nationaux. Dans ce contexte, il y avait une voix au sein du gouvernement qui s’élevait contre cette conception. C’était celle d’Emmanuel Macron et cela a suscité mon intérêt. Lorsqu’il a fondé son mouvement politique qui se voulait libéral sur le plan économique et sociétal, tout en s’inscrivant pleinement dans la tradition républicaine et solidaire issue du Conseil national de la Résistance, je me suis engagée dans cette aventure avec conviction et enthousiasme. Je ne peux donc pas aujourd’hui m’associer à un texte qui va, selon moi, à l’encontre même de ce qui a dicté mon engagement politique en 2017.
Par ailleurs, alors même que je défends la mobilité et les échanges entre pays du monde francophone notamment, que je me bats pour le dialogue entre les peuples et les religions, et que je représente des Français qui ont fait le choix de l’ouverture sur le monde, je considère que ce texte par trop inspiré par la droite sénatoriale défend une version rétrécie de ce qu’est la France.
J’ai souhaité voter en mon âme et conscience. Ce texte ne reflète pas l’idée que je me fais de l’esprit français, de celui que je suis fière de représenter à l’étranger, de celui qui m’a permis de devenir députée et d’avoir l’honneur de représenter mes concitoyens au sein de notre grande démocratie. J’aime la France de toutes mes forces et je resterai toujours fidèle aux valeurs qui m’animent en tant que française.
Députée LREM des Français établis à l’étranger (Afrique, Moyen-Orient et Océan Indien)
Ancienne Cheffe d’entreprise Cybersécurité, Commandant de réserve Cyber-défense