12 Décembre 2018
Discours d’Amélia Lakrafi lors du colloque « G5 Sahel: une initiative régionale pour une nouvelle architecture de paix ? » organisé à l’Assemblée nationale
Députée de la dixième circonscription des Français de l’étranger rassemblant une très large partie du continent africain, c’est pour moi un honneur d’introduire ce colloque sur le G5 Sahel, en présence d’une assistance de qualité. Je voudrais chaleureusement remercier Monsieur Peer de Jong, Président de l’Association Europe–Mauritanie avec laquelle nous avons souhaité la tenue de ce colloque, Monsieur Najim El Hadj, secrétaire permanent du G5 Sahel, Monsieur Jean-Marc Chataigner, Ambassadeur spécial pour le Sahel, Monsieur Auguste-Denise Barry, ancien Ministre de la Sécurité de l’Intérieur et de la décentralisation du Burkina-Faso et fondateur du Centre d’Études Stratégiques en Défense et Sécurité du Burkina, le Général de brigade Sid’Ahmed Ely Mohamed Znagui, expert Défense et Sécurité du G5 Sahel, le Général de division, François-Xavier de Woillemont, ex-commandant de l’opération Barkhane.
Votre présence témoigne de l’intérêt et de l’importance de cette question, car si le G5 Sahel est un cadre institutionnel de suivi de coopération régionale, on peut légitimement s’interroger sur le fait qu’il dépasse bien largement les cinq pays. Agissant pour la sécurité des peuples de la région, il agit aussi pour l’ensemble du continent africain qui se trouve face à cette nouvelle force de terrorisme, autant dire que son importance est cruciale. C’est d’ailleurs bien ainsi que l’avait analysé le Président de la République française lorsqu’il a fait quelques propositions favorisant sa mise en place effective. En alignant une première force autonome et coordonnée de 5 000 hommes, ces cinq pays montrent leur volonté de lutter ensemble contre les groupes extrémistes qui n’ont d’autres desseins que de déstabiliser les États, de maintenir la population sous le joug de la peur et d’annihiler les efforts de stabilisation politique et de développement économique.
Il faut souligner la volonté politique de ces pays, de coordonner leurs efforts de façon à ce que l’état de droit ne soit pas détruit ou mis en danger. Sans aller trop en avant, puisque vous le ferez bien mieux que moi, je voudrais rappeler les missions assignées au G5 Sahel : sécuriser les frontières, éviter leur perméabilité afin d’entraver la circulation des groupes armés et signaler sur le plan logistique cette force conjointe qui s’appuie maintenant sur deux résolutions du Conseil de Sécurité bénéficiera de l’appui de l’opération Barkhane ainsi que de la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali, la MINUSMA. Mais la tâche est rude. Le G5 Sahel doit agir et réagir face à différents groupes souvent protéiformes et qui vont des trafiquants de drogue aux passeurs qui n’hésitent pas à mettre en vente de jeunes hommes maintenus dans des camps de concentration, qui n’ont souvent d’autres solutions que d’accepter d’être vendus aux enchères pour échapper au sort qui les attend dans ces camps, aux groupes religieux voulant étendre la main d’un islam radicalisé sur voulant étendre la main d’un islam radicalisé sur l’Afrique entière. Depuis la mise en place de la force Serval jusqu’à la mise en place du G5 Sahel, ainsi que le souligne le Président de la Mauritanie, lors de son entretien avec Emmanuel Macron en juillet dernier : la menace s’est étendue géographiquement, complexifiée avec de nouveaux groupes à connotation ethnique et la détresse croissante de certaines populations là où l’État reste absent, les rendent de plus en plus inféodés aux terroristes qui contrôlent leurs zones par les armes comme par l’argent. Devant ces nouveaux défis, la France a décidé de contribuer de façon significative par la fourniture d’équipements à cette lutte contre les groupes extrémistes. L’Europe le fera à hauteur de 50 millions d’euros. Il importe également de mentionner le concours de l’Arabie Saoudite. Il faut néanmoins prendre conscience du fait que les opérations militaires ne règleront pas d’elles-mêmes le problème de la sécurité.
Au-delà de l’élimination des groupes extrémistes, doit parallèlement se mettre en place dans les différents pays, un appareil étatique et sécuritaire pérenne, ainsi que l’a précisé le Président mauritanien. Ces préoccupations ont été mentionnées lors du sommet Union africaine – Union européenne à Abidjan, et le seront encore demain, puisqu’un sommet international a lieu sur le G5 Sahel à l’appel du Président français, Emmanuel Macron, afin d’accélérer le processus de développement de cette force qui, pour l’heure, est indispensable dans la région des cinq pays concernés par le G5 Sahel. À ce propos, il importe de mentionner la récente inflexion américaine sur le plan budgétaire. Cela étant, si les États-Unis ont l’équivalent d’un bataillon entre le Mali, le Niger et la Mauritanie, leur veto concernant le rattachement de cette force sous l’égide de l’ONU, montre que certains aspects ne sont pas encore clarifiés. Pourtant, il semble que le déploiement effectif, le soutien de la MINUSMA et la force Barkhane, permettent une dynamique opérationnelle visant à intervenir sans relâche et à porter des coups déterminants, voire définitifs, aux groupes extrémistes. Mais, reconnaissons-le, il faudra du temps, beaucoup de temps. Les pays et les populations du G5 Sahel sont parfaitement conscients. On ne le répétera jamais assez, la seule réponse sécuritaire ne suffira pas.
Au-delà du fanatisme religieux et du chaos libyen qui lui a fourni des hommes et des armes, l’extrémisme se nourrit de la pauvreté, voire de l’extrême pauvreté, du chômage, de l’absence de perspectives, notamment entrepreneuriales et de conditions sociales, économiques et culturelles dégradées.
Pour éviter à la majeure partie de la jeunesse africaine du G5 Sahel d’avoir comme seule perspective la protestation, l’émigration ou la radicalisation, il convient de mettre en place une approche globale de développement soutenu, notamment par les aides au développement à propos desquelles la France a décidé d’une augmentation, entre autres, au Sahel, pour lequel le budget sera abondé de 200 millions d’euros sur cinq ans, qui seront effectuées via l’Agence Française de Développement dont je suis membre.
Pour les pays du G5 Sahel, les horizons sont immenses. C’est face à l’ensemble de ces défis que l’initiative du G5 Sahel doit répondre tant sur le plan sécuritaire que celui du développement, afin de contribuer à une nouvelle architecture de paix.