“Peut-on aujourd’hui sérieusement laisser l’impunité prospérer sur le web, le plus souvent derrière le paravent bien pratique de l’anonymat et des pseudonymes, quand 70% de nos compatriotes déclarent avoir déjà été confrontés à des propos haineux sur les réseaux sociaux ? ”.
Avec 355 voix pour et 150 contre, l’Assemblée nationale a définitivement adopté ce 13 mai 2020, la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, initiée par ma collègue Laetitia Avia et que j’ai cosigné, comme l’immense majorité des députés du groupe En Marche.
Ce texte poursuit un objectif simple : mettre un coup d’arrêt à la propagation sur internet de contenus et de propos haineux que ni la société, ni la loi ne tolèrent dans l’espace public.
Pour y parvenir, un dispositif clair et pragmatique a été édifié. Très concrètement, à partir du mois de juillet, les plates-formes et les moteurs de recherche auront l’obligation de retirer sous 24 heures les contenus manifestement illicites qui leur sont signalés, sous peine d’être condamnés à de lourdes sanctions financières (pouvant aller jusqu’à 1,25 million d’euros). Les incitations à la haine et à la violence, ainsi que les insultes à caractère raciste, religieux ou homophobe sont tout particulièrement ciblés par cette mesure.
A ce jour, force est de constater que peu de plaintes, peu d’enquêtes, peu de sanctions n’aboutissent réellement en matière de cyber-haine. Impliquer les plates-formes en les responsabilisant constitue donc un moyen de sortir plus efficacement de cet état de latence et d’inertie.
J’entends naturellement les critiques sur les risques que feraient courir ces dispositions sur le respect de l’un de nos droits les plus fondamentaux : notre liberté d’expression. Ces inquiétudes sont soulevées à chaque fois que le Parlement est amené à examiner un texte d’encadrement de nos droits et libertés. Ce débat doit se tenir. Il est sain et nécessaire. Il est aussi le reflet de la vitalité de notre démocratie et l’on ne peut que s’en réjouir.
De mon coté et comme nombre de mes collègues, j’estime que sur ces questions, tout est une question d’équilibre. Peut-on aujourd’hui sérieusement laisser l’impunité prospérer sur le web, le plus souvent derrière le paravent bien pratique de l’anonymat et des pseudonymes, quand 70% de nos compatriotes déclarent avoir déjà été confrontés à des propos haineux sur les réseaux sociaux ?
Est-ce cette idée-là de la liberté d’expression que nous voulons inculquer aux jeunes génération, qui sont, nous le savons, les premières victimes du cyber-harcelement et des « haters »(personnes animées par la haine).
Personnellement, je ne le pense pas. Je ne considère pas non plus que les dispositifs que nous avons voté soient une atteinte telle à nos droits qu’ils méritent les réactions d’indignation auxquelles nous avons assisté ces dernières heures de la part de certains membres de l’opposition.
Débattre et échanger sereinement sur ce formidable outil que constitue internet, dans le respect des autres et des principes les plus élémentaires de notre droit, voilà à quoi tend ce texte.
Amélia Lakrafi
Amélia Lakrafi
Députée LREM des Français Afrique, Moyen-Orient et Océan Indien, Ancienne Cheffe d’entreprise Cybersécurité, Commandant de réserve Cyber-défense