Tribune publiée dans Le Figaro Vox le 22 janvier 2024
Chacun a en tête les drapeaux français brûlés à Niamey fin juillet. Les tumultes que traverse la France avec certains de ses partenaires africains sont connus. Très médiatisé, ce que l’on nomme le sentiment anti-français n’est pourtant pas une réalité homogène et est très circonscrit. En réalité, seuls quatre des 54 pays africains expriment un sentiment anti-français marqué, et souvent en raison de putschs antidémocratiques.
En juin dernier, un rapport de l’IFRI pointait comment la rhétorique complotiste à l’égard de la France s’est enracinée dans les esprits. Des accusations fantaisistes et des contre-vérités sont sans cesse brandies contre la France par une minorité bruyante qui cherche à instrumentaliser les populations et qui s’en prétendent le porte-parole.
Si ces discours ne datent pas d’hier, ils ne se restreignent désormais plus aux élites intellectuelles et touchent les classes urbaines. Ils sont portés autant par des gouvernants, qui y trouvent une explication facile à leur incapacité à répondre aux défis sécuritaires et socio-économiques, que par des maîtres à penser recourant à la manipulation et à la diffamation sur les réseaux sociaux. Le Franco-Béninois Kemi Seba ou la Suisso-camerounaise Nathalie Yamb, surnommée la « Dame de Sotchi » pour ses accointances avec le Kremlin, en sont des figures emblématiques. Nathalie Yamb enchaîne les révélations abracadabrantes sur un supposé agenda caché de la France au Sahel. Peu avant le coup d’État au Burkina Faso cet automne, elle déclarait : « Si la France perd le Burkina, c’en est terminé de la protection des terroristes trafiquants qu’elle installe et du pillage de nos ressources ». Malheureusement, et comme on s’y attendait, la situation sécuritaire dans la région a pris un tournant dramatique. Les attaques terroristes ont explosé, entraînant une hausse alarmante du nombre de morts parmi les civils. Cette escalade de violence s’accompagne d’un phénomène tout aussi inquiétant : les arrestations arbitraires de civils par les militaires au pouvoir.
Les adversaires de la France étrangers au continent ont un rôle prépondérant dans la construction et l’amplification du phénomène. En mars 2022, l’armée française déjoue une manœuvre informationnelle de Wagner. Elle filme des mercenaires en train de créer un charnier près de la base de Gossi au Mali, dans le but d’en imputer la responsabilité aux Français. À chacune de ces opérations, des « bots » se chargent de les répandre pour enflammer les réseaux sociaux. En arrière-plan apparaît donc une nouvelle logique de prédation et de déstabilisation du continent, où il est crucial de bien distinguer entre déstabilisation et prédation. Cette distinction est essentielle car elle marque la différence entre le moyen et l’objectif. La déstabilisation, souvent orchestrée par des campagnes de désinformation et des actions de déstabilisation politique ou sociale, sert de levier pour atteindre un but plus large : la prédation. Cette dernière se réfère à l’exploitation des ressources, qu’elles soient économiques, naturelles ou politiques, souvent au détriment des intérêts et du bien-être des populations locales. En comprenant cette dynamique, on saisit mieux les enjeux sous-jacents à ces opérations et la manière dont elles façonnent les relations internationales et les politiques internes des pays africains.
Démocraties et pouvoirs militaires en subissent les effets. Au Niger, après son coup d’État, la junte a justifié la responsabilité de la France pour expliquer la dégradation de la situation sécuritaire et légitimer son putsch. Ces mensonges ont conduit cet été au saccage de l’ambassade de France. Même les pays où la démocratie est enracinée souffrent de ce mal populiste. Au Sénégal, Ousmane Sonko accuse Emmanuel Macron d’empêcher son accession au pouvoir et d’empiéter sur la souveraineté du pays, déclarant que ‹‹ la France doit avoir la dignité de voler de ses propres ailes plutôt que de sucer le sang de ses ex-colonies ». Son avocat adepte des outrances, en fait ses choux gras. Pour une partie de la classe politique française, cette désinformation est largement relayée en France, en particulier par l’extrême droite et l’extrême gauche, trop heureuses d’étendre hors de France leur opposition systématique et souvent aveugle.
Les Français souffrent de désinformation sur ce sujet, relayer ces « fake-news » pour recevoir de la lumière médiatique à peu de frais. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon quand il raconte ‹‹ les accords de défense, et en particulier leurs clauses secrètes – qui ont pour objectif réel de contrôler les mouvements populaires au profit des dictateurs – ». Les adversaires de la France n’en demandent pas tant.
Si les critiques envers la France sont amplifiées par les ‘bots’ étrangers et certains influenceurs, créant ainsi un effet de loupe, le vrai défi est d’assurer un débat public avec une information libre et fiable à travers tout le continent. L’un des moyens de contrer la manipulation de l’information par les populistes est d’entrer dans l’arène. Les responsables politiques français et africains ne doivent pas se laisser intimider. Il ne faut pas se laisser distraire par une minorité agissante qui ne représente en rien l’Afrique dans sa diversité et sa complexité.
L’idée n’est pas de fanfaronner comme OSS 117. Certes, il y a eu des erreurs et des incompréhensions, comme pour tous les autres pays, la France en a connu. Mais la Françafrique a fait long feu et depuis longtemps les dirigeants africains ont le monde entier dans leur salle d’attente pour reprendre l’expression d’Antoine Glaser. Dans ce contexte, la France est un partenaire parmi d’autres. Nous ne devons pas avoir peur de dire que la relation entre la France et les États africains est vertueuse !
La France ne pille pas le continent. Bien peu de pays peuvent le dire. Là où elle est présente, elle participe à la création de richesses. Quand Bouygues, Alstom, Colas et Keolis unissent leurs efforts pour construire le métro d’Abidjan, ils emploient une large part de travailleurs ivoiriens, et renforcent l’attractivité du pays sur le long terme. Les différentes institutions publiques françaises participent au financement de milliers de projets au bénéfice des populations. De la même manière, les forces militaires françaises ne sont pas des armées coloniales. Elles sont présentes à la demande des gouvernements, comme instruments de paix et de coopération.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, la France connaît un renouveau de ses relations en Afrique, y compris en Afrique de l’Est. Son discours de Ouagadougou a abordé des questions essentielles à la jeunesse africaine, des questions que ces mêmes jeunes revendiquent aujourd’hui. De même, son discours du 27 février 2023, aborde avec lucidité et volontarisme la nécessité d’adopter une politique partenariale équilibrée avec les pays du continent africain.Tout au long des sept dernières années, la France – en qui d’aucuns veulent voir une puissance néo-coloniale – a au contraire fait des gestes forts prouvant le « reset » du logiciel de nos relations avec le continent africain.
Pour n’en citer que quelques-uns :
– la reconnaissance des responsabilités de la France dans certaines pages sombres de l’histoire africaine comme récemment au Rwanda, ou encore le dialogue mémoriel engagé avec l’Algérie
– l’accroissement inédit de notre aide au développement sur des bases plus saines et un effort inédit en direction des entrepreneurs africains et des femmes
– la fin du franc CFA
– une politique de restitution de biens culturels qui a fait exemple dans toute l’Europe et s’est poursuivie par une admirable coopération artistique, patrimoniale et muséale.
– un engagement à toujours contenir et combattre les menées islamistes au Sahel
– un dialogue renouvelé avec la jeunesse et la société civile comme lors du sommet Afrique-France de Montpellier
– une multitude de projets voués au dialogue culturel au travers de la francophonie, avec la création de la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, ou la future Maison des mondes africains.
Ce sont autant d’engagements forts, de messages clairs et d’actions résolues que notre pays porte à l’endroit du continent africain. Il nous faut être fiers de ce bilan !
Nous ne nous laisserons pas intimider par les populismes africains et leurs relais en France.
Députée LREM des Français établis à l’étranger (Afrique, Moyen-Orient et Océan Indien)
Ancienne Cheffe d’entreprise Cybersécurité, Commandant de réserve Cyber-défense