« Il nous est apparu que l’ampleur de ces violences était bien réelle et que l’expatriation constituait un facteur aggravant, en raison notamment de l’isolement extrême des victimes. Nous avons également constaté que l’action du réseau consulaire, qui est bien souvent le premier point de contact des Françaises et Français en détresse, se heurtait à divers obstacles. Au premier rang de ceux-ci figurent en particulier les législations locales par endroit très peu protectrices des droits des femmes et envers lesquelles il n’est tout simplement pas possible de faire ingérence »
A l’automne 2019, Marlène Schiappa, alors Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, lançait le Grenelle des violences conjugales. Cette initiative avait pour objectif de dresser un état de lieu de la situation et des difficultés des victimes et d’identifier les mesures qui pouvaient être prises pour améliorer de manière concrète leur accompagnement et leur prise en charge.
C’est dans le cadre de ce projet, auquel a été associé une trentaine de députés, que j’ai décidé de travailler, en binôme avec ma collègue Samantha Cazebonne, sur la question des victimes françaises à l’étranger, jusqu’alors jamais abordée ou alors de manière indirecte au travers notamment de l’action de notre réseau consulaire en matière de mariages forcés et de déplacements illicites d’enfants.
Nous partions ainsi d’une quasi feuille blanche et pour disposer d’une connaissance plus fine de la réalité du phénomène de violence dans les couples établis hors de France, mais aussi des dispositifs mobilisables face à ces situations, nous avons multiplié les auditions et les consultations auprès des Conseillers consulaires (élus locaux à l’étranger), des acteurs de terrains, du ministère des Affaires étrangères et bien sûr des victimes, avec en prime un appel à témoignage anonyme que nous avons diffusé très largement à travers le monde.
Sans surprise malheureusement, il nous est apparu que l’ampleur de ces violences était bien réelle et que l’expatriation constituait un facteur aggravant, en raison notamment de l’isolement extrême des victimes. Nous avons également constaté que l’action du réseau consulaire, qui est bien souvent le premier point de contact des Françaises et Français en détresse, se heurtait à divers obstacles. Au premier rang de ceux-ci figurent en particulier les législations locales par endroit très peu protectrices des droits des femmes et envers lesquelles il n’est tout simplement pas possible de faire ingérence.
Nous avons depuis beaucoup avancer pour améliorer l’orientation et la prise en charge de ces victimes, certes de manière peu visible car les éléments nouveaux que nous avons développés ne nécessitaient pas d’être votés dans le cadre d’une loi, mais les progrès sont bien là, à différents niveaux :
Améliorer l’information des victimes à l’étranger :
La bonne orientation des victimes vers les interlocuteurs locaux compétents (structures d’accueil, services de police, justice, associations, avocats, médecins, etc.) est essentielle lorsque l’on se trouve à l’étranger et que l’on méconnait le droit et les dispositifs du pays. Telle est la raison pour laquelle le ministère des Affaires étrangères a procédé ces derniers mois à un recensement minutieux de ces structures, pays par pays, compilés dans un document unique. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail colossal et efficace réalisé dans ce cadre.
Dans les semaines à venir, l’ensemble des postes diplomatiques et consulaires seront invités à mettre en ligne sur leur site internet une rubrique spécifiquement dédiée à l’information des victimes de violences intrafamiliales. Elle comprendra les coordonnées des services de police locaux auprès desquels déposer plainte, les coordonnées du service des affaires sociales du poste concerné ainsi que le numéro d’urgence d’aide aux victimes piloté par l’association France-Victimes en partenariat avec le ministère de la justice (disponible depuis l’étranger) qui assure une première écoute : +33180523376 ; victimes@france-victimes.fr
L’information des victimes sera également renforcée par l’apposition d’affiche émanant de cette association dans les salles d’attente des services consulaires.
Renforcer la sensibilisation des agents du réseau consulaire aux situations de violences conjugales :
La première écoute est, nous le savons, absolument décisive pour les victimes, afin de les sortir de l’isolement et de les amener vers une prise de conscience. Or, jusqu’ici, les agents de notre réseau consulaire ne disposaient d’aucune formation dédiée leur permettant d’engager sereinement ce dialogue et détecter des situations de détresse.
Sur le modèle des formations déjà dispensées auprès des forces de l’ordre par le ministère de l’Intérieur, des modules spécifiques vont ainsi être mis en place avant le départ en poste à destination des agents qui seront en charge des affaires sociales.
Parallèlement, un kit de formation à l’écoute des victimes de violences intrafamiliales sera prochainement transmis à des postes pilotes avec pour objectif, à terme, une généralisation de cet envoi à tous les postes consulaires.
L’accompagnement au retour en France :
Pour de très nombreuses victimes, la seule échappatoire à une situation de violence conjugale demeure le retour en France. Cette perspective est pourtant rendue difficile par différents facteurs : détention du passeport par l’auteur de violence, impossibilité de partir avec les enfants sans l’accord du conjoint ou de la conjointe au risque d’être accusé de déplacement illicite d’enfant, absence de point de chute et de moyens de subsistance en France, etc.
A ce jour déjà, les postes consulaires peuvent faciliter la délivrance de titres de voyage d’urgence dans les situations extrêmes et la sensibilisation des agents aux situations de violences conjugales permettra de renforcer cet accompagnement.
Par ailleurs, un travail de partenariat se poursuit en lien avec les associations d’aide aux victimes de violences conjugales et d’accueil des expatriés de retour de l’étranger, en particulier Voix de Femmes et France Horizon, pour mieux organiser le retour sur le sol national et garantir aux victimes l’accès à un hébergement et aux dispositifs sociaux.
Affiner la connaissance du phénomène de violences conjugales à l’étranger
Afin de disposer de statistiques plus fines sur le nombre et la physionomie des victimes françaises à l’étranger, j’ai proposé avec ma collège Samantha Cazebonne un amendement imposant au gouvernement la production d’un rapport annuel, dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection des victimes de violences conjugales. Cette mesure ayant fait consensus avec les sénateurs des Français établis hors de France, je me réjouis qu’elle ait pu être adoptée.
Cet état des lieux annuel nous permettra ainsi d’améliorer encore plus la réponse à ces situations de détresse.
Députée LREM des Français établis à l’étranger (Afrique, Moyen-Orient et Océan Indien)
Ancienne Cheffe d’entreprise Cybersécurité, Commandant de réserve Cyber-défense