Question n°18206 publiée le 26 Mars 2019
Mme Amélia Lakrafi interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conditions du cumul des droits à la retraite des citoyens ayant cotisé, au cours de leur carrière, dans plusieurs pays disposant d’une convention de sécurité sociale avec la France. En l’état du droit en effet, il semblerait que la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ne puisse prendre en compte de manière simultanée les trimestres cotisés dans différents pays, le champ d’application des conventions bilatérales ne permettant pas d’inclure un pays tiers. Concrètement, cela signifie que les droits à la retraite des personnes se trouvant dans ce cas de figure sont d’emblée amputés d’une partie des années pourtant travaillées. À titre d’exemple, pour une personne ayant travaillé 2 ans en France, 20 ans au Gabon et 20 ans en Belgique, la CNAV ne retiendra que 23 années de travail effectif. Des carrières pourtant complètes en termes d’annuités donnent ainsi lieu à un calcul de droit à taux réduit. Cette situation est légitimement vécue par les intéressés comme une véritable injustice, d’autant que l’information sur l’impossibilité de cumuler les trimestres effectués dans différents pays demeure défaillante et méconnue. Les assurés concernés ne le réalisent à ce titre, le plus souvent, qu’au moment du départ à la retraite, ce qui est de nature à remettre soudainement en cause leur projet de vie. Dans ce contexte et sans méconnaître les obstacles juridiques qui se posent à l’heure actuelle, elle souhaiterait avoir connaissance des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour mieux accompagner ces situations et renforcer l’information, a priori, à destination des travailleurs cotisant à l’étranger.
Réponse
Il convient de rappeler que, sauf accord international dûment ratifié, le système national de sécurité sociale est régi par un principe de territorialité. En matière d’assurance retraite, ce principe se manifeste par le fait que chaque Etat comptabilise les périodes ayant donné lieu à cotisation, ou assimilées, sous l’empire de sa propre législation.
S’il est effectivement possible de déroger au principe de territorialité par le biais d’accords internationaux, il convient d’insister sur le fait que cela ne peut se faire que dans le cadre d’un champ matériel et personnel limitativement défini par les signataires de la convention. Ce champ s’impose aux Parties à l’Accord. Les conventions bilatérales de sécurité sociale, qui permettent la totalisation pour la retraite des périodes d’assurance accomplies sous la législation d’un autre Etat avec celles qui ont donné lieu à cotisation auprès d’un régime français, définissent ainsi elles-mêmes les conditions et limitations dans lesquelles doivent s’appliquer les dispositions conventionnelles. Ainsi, toute période d’assurance qui n’entre pas dans le champ personnel et matériel de la convention ne peut juridiquement donner lieu à une totalisation. La France ne peut, par ailleurs, choisir de s’en affranchir de façon unilatérale.
La prise en compte de périodes d’activité réalisées à l’étranger dans le cadre d’un accord bilatéral représente nécessairement un surcoût potentiel pour chacun des régimes coordonnés attribuant une pension à un assuré, raison pour laquelle cet aspect financier entre en ligne de compte dans la négociation bilatérale. La coordination de législations de sécurité sociale n’est considérée comme acceptable que parce qu’elle repose sur un principe de réciprocité, les ressortissants de chaque Etat étant traités à égalité et les coûts induits pour chaque système national ayant été considérés comme soutenables par les deux Parties.
Dans cette perspective, l’intégration d’autres régimes étrangers, sans qu’elle soit prévue par la convention, serait contraire à la logique de réciprocité et d’équilibre des charges entre les Etats signataires. La France ne peut, de ce fait, décider unilatéralement d’étendre le champ d’une convention bilatérale à d’autres Etats que le pays signataire.
Néanmoins, la France a négocié ou renégocié des conventions bilatérales permettant la prise en compte de périodes d’assurance accomplies sous l’empire d’autres conventions bilatérales. Il s’agit des conventions passées avec le Maroc, la Tunisie, l’Inde, le Brésil, l’Uruguay et le Canada.
Concrètement, cela signifie que sont prises en compte les périodes d’assurance accomplies dans un Etat tiers dès lors que celui-ci a passé une convention bilatérale avec la France et une convention bilatérale avec le pays partenaire. Quoi qu’il en soit, les périodes acquises à l’étranger non prises en compte par le régime français ne sont pas perdues. Elles demeurent totalisées par le régime étranger coordonné avec les périodes françaises ou bien avec un autre régime étranger si les deux Etats ont un accord de sécurité sociale.
Enfin, une information complète, détaillée et actualisée est disponible sur le site du centre des liaisons européenne et internationale de sécurité sociale (CLEISS) : www.cleiss.fr, qui recense l’ensemble des conventions passées par la France en matière de sécurité sociale et en explicite les dispositions.
Plus d’informations sur : http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-18206QE.htm