« Redonner un souffle vital et d’espérance à ce merveilleux pays en acceptant un moratoire de 3 ans sur le remboursement des dettes du Liban permettrait de desserrer réellement l étau et in fine de préserver à la fois les intérêts des créanciers et l’avenir du Liban dont le peuple est en train d’écrire, dans l adversité, une nouvelle et magnifique page de son histoire »
Depuis toujours, la région du Levant a fasciné le monde et le Liban y tient une place centrale à la fois par sa situation géographique, carrefour incontournable du Proche-Orient, la beauté de ses paysages, le charme infini de son peuple, mais également par la coexistence des différentes communautés qui le composent et qui ont toujours su rester unies en dépit des tumultes multiples qu’elles ont subies.
Le Liban, c’est aussi une formidable énergie, le progrès, l’ouverture au monde, la joie de vivre et le modernisme dans un environnement régional souvent plus archaïque, autoritaire et instable.
La France, dont l’histoire avec le Liban est aussi dense que séculaire, a eu un mandat de la Société des Nations sur le Liban en 1920 et a également concédé son indépendance par le biais des représentants de la France Libre du Général de Gaulle Le 22 novembre 1943.
Déjà, le 3 juillet 1931, lors d’un discours prononcé devant les étudiants de l’université St Joseph de Beyrouth, le commandant de Gaulle indiquait « Oui, le dévouement au bien commun, voilà ce qui est nécessaire puisque le moment est venu de rebâtir. Et justement, pour vous jeunesse libanaise, ce grand devoir prend un sens immédiat et impérieux ; car c’est une patrie que vous avez à faire. Sur ce sol merveilleux et pétri d’histoire, appuyés au rempart de vos montagnes, liés par la mer aux activités de l’Occident, aidés par la sagesse et par la force de la France, il vous appartient de construire un Etat ».
le 27 juillet 1941, le général de Gaulle déclarait à Beyrouth : « Si nous sommes heureux de prendre de nouveau, depuis hier, contact avec le Liban, c’est d’abord, évidemment, parce que dans tout cœur de Français digne de ce nom, je puis dire que le nom seul du Liban fait remuer quelque chose de très particulier, et j’ajoute que c’est d’autant plus justifié que les Libanais, libres et fiers, ont été le seul peuple dans l’histoire du monde, à travers les siècles, quels qu’aient été les péripéties, les malheurs, les bonheurs, les destins, le seul peuple dont jamais le cœur n’a cessé de battre au rythme du cœur de la France… »
Le 30 mai 1998, lors de la réouverture officielle de notre ambassade, la Résidence des Pins, le Président Jacques Chirac déclarait ému : « n’oubliez jamais, jeunes Libanais que la France vous aime et aimera toujours le Liban, l’un des plus beaux pays du monde. L’un des plus émouvants aussi ».
Le Président Emmanuel Macron, grand ami du Liban, a récemment affirmé que « La France est pleinement engagée pour la mise en œuvre des décisions que nous avons prises lors de la conférence Cedre (Conférence économique pour le développement du Liban par les réformes et avec les entreprises) ajoutant qu »Il s’agit de donner au Liban les moyens de réformes ambitieuses pour qu’il rétablisse sa situation économique ». Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, a évoqué récemment les liens passionnels qui unissent nos deux peuples et a fait part de sa grande inquiétude pour l’avenir du Liban sans la survenance d’un prochain sursaut réformiste voulu et enfin enclenché par le pouvoir actuel.
Les liens qui attachent la France et le Liban sont assurément aussi anciens que forts. Ils sont l’aboutissement effectif d’une belle histoire commune et d’un attachement de la France au modèle libanais de pluralité, du vivre-ensemble et de convivialité fraternelle.
Il est d’ailleurs à noter que plus de 45% des libanais parlent français. C’est la langue secondaire de 70% des établissements scolaires. 23 000 Français résident au Liban et 210 000 Libanais sont en France, témoignant de la richesse des relations qui nous unissent.
Le génie libanais porté par un peuple cultivé, tellement attachant et francophone, nous amène à devoir actuellement nous mobiliser car, même si nous sommes tous aujourd’hui confrontés à de lourdes difficultés à la suite de la pandémie planétaire qui nous a durement touchés, nos frères et sœurs libanais font face, en plus, à des problématiques incommensurables !
– La dette tout d’abord. De l’ordre de 90 milliards de dollars, elle est abyssale et représente 176% du PIB du pays. Et pour la première fois de son histoire, le Liban n’a pas pu honorer le remboursement de ses dettes !
La restriction de l’usage du dollar ensuite qui a fait chuter la livre libanaise et bloquer comptes bancaires et échanges économiques. Il faut aujourd’hui 4 000 livres libanaises pour obtenir 1 dollar dans une banque et dans la rue, sous le manteau, souvent plus !
– La problématique de l’enseignement où les parents n’ont plus les moyens de régler les établissements pour leurs enfants et où les établissements n’ont plus les moyens de payer les enseignants
– Les réfugiés Syriens ont aussi contribué malgré eux à la dégradation de la situation politique, économique, sociale et financière du Liban. Plusieurs centaines de milliers de réfugiés syriens ont en effet fui les exterminations perpétrées par Daesh et des groupuscules terroristes soutenus par diverses puissances régionales ainsi que le régime de Bachar El Assad.
Ils ont trouvé refuge au Liban qui a eu le courage et l’humanité de les aider. Mais cet engagement humanitaire colossal, et disproportionné au regard des capacités du Liban, a aussi raison, par moment, de la légendaire hospitalité des Libanais confrontée à 1,5 millions de réfugiés pour une population de 6,8 millions d’habitants. Comparativement et rapporté aux 66 millions de français, la France compterait alors environ 15 millions de réfugiés !
De la même façon, l’équilibre communautaire est naturellement rendu plus fragile par cet afflux massif et les libanais, à tort ou à raison, font le parallèle avec l’arrivée des réfugiés palestiniens de 1948 et 1967 qui avait été un des facteurs déclenchant une guerre civile sanglante pendant de trop nombreuses années.
L’effort inouï et la fraternité exemplaire déployés par le Liban (sans contrepartie avérée à l’instar de la Turquie qui a monnayé au prix fort sa « solidarité ») pour accueillir ses voisins syriens en profonde détresse doivent être non seulement rappelés mais également loués.
L’instabilité politique, aggravée par une corruption chronique de certains acteurs libanais, est aussi un élément majeur de la fragilité du Liban. Le savant équilibre confessionnel qui a permis de diriger le Liban pendant des années s’est heurté à l’immixtion de pays étrangers dans la conduite des affaires intérieures libanaises. Ces menées d’influence visant à instaurer une tutelle sur un Liban soumis sont en lien direct avec la corruption dénoncée par les libanais de toutes confessions qui ne veulent plus désormais être instrumentalisés ni entraînés dans des conflits ou des tensions régionales, loin de leur désir de paix, d’espoir et de concorde entre eux.
La révolte de la jeunesse Libanaise unie a notamment conduit à la nomination d’un nouveau gouvernement de techniciens sensés être au service exclusif d’un pays et d’un peuple qui veut reprendre son destin en mains, procéder aux impératives transformations politiques, structurelles, économiques et sociales, se débarrasser de tuteurs malveillants, lutter contre la corruption et les inégalités, sans pour autant renier son histoire, ses traditions et ses valeurs exemplaires.
Ce nouveau Gouvernement devra néanmoins veiller a unir tous les Libanais de qualité et patriote sans exclusion ou mise à l’écart regrettable. Il devra pacifier les relations entre la classe politique et des Libanais désabusés voire excédés par des comportements contraires aux volontés collectives. Il devra se montrer exemplaire au risque d’être emporté par un peuple légitimement exigeant et désormais sans concession aucune. Il devra enfin tracer une voie d’espoir dans le respect de l’indépendance du Liban et en s affranchissant clairement de certains qui utilisent le Liban comme l’arrière cour de leur volonté d hégémonie, comme un espace d’enrichissement personnel ou de règlements de comptes ou comme un champ de bataille dont les Libanais sont a la fois les otages et les victimes.
Et si les libanais ont décidé tous ensemble de se lever, fiers et déterminés, dans un intérêt partagé et commun, il convient également que les acteurs financiers, créanciers de toute nature de la dette Libanaise, se saisissent de cette opportunité unique pour accompagner cette renaissance historique d’un nouveau Liban, plus fort, plus prospère, plus autonome et plus stable.
Certes, leur intérêt immédiat serait de faire valoir leurs créances mais j’en appelle à leur conscience et à une certaine morale citoyenne internationale autant qu au principe de réalité en les enjoignant de ne pas céder au réflexe du gain immédiat ou de l’asphyxie financière d’un pays déjà au bord du gouffre, car le Liban est au cœur du monde. C’est autant une boussole qu’un phare !
Etrangler plus encore les libanais et les étrangers qui y vivent -dont une importante communauté française et binationale viscéralement attachée au Liban- en le conduisant assurément à une banqueroute définitive ne fera que précipiter le pays des cèdres dans un cataclysme aux répercussions inconnues !
En revanche, redonner un souffle vital et d’espérance à ce merveilleux pays en acceptant un moratoire de 3 ans sur le remboursement des dettes du Liban permettrait de desserrer réellement l étau et in fine de préserver à la fois les intérêts des créanciers et l’avenir du Liban dont le peuple est en train d’écrire, dans l adversité, une nouvelle et magnifique page de son histoire.
La France et l’Europe doivent naturellement y contribuer pleinement et sans délai.
Vive l’amitié Franco-Libanaise ! Vive le Liban pluriel ! Vive le Liban éternel !
Députée LREM des Français établis à l’étranger (Afrique, Moyen-Orient et Océan Indien)
Ancienne Cheffe d’entreprise Cybersécurité, Commandant de réserve Cyber-défense