Question à M. Jean-Yves Le Drian ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères sur la Conférence de Munich sur la sécurité
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, votre homologue allemand, Heiko Maas, et vous-même avez exprimé vos inquiétudes quant à la grave crise que traverse le système multilatéral tel qu’il a été conçu au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
Celui-ci a déjà connu des coups de boutoir qui l’ont fait plier sans jamais rompre – je fais référence notamment à l’invasion unilatérale de l’Irak par les États-Unis en 2003, à l’offensive russe contre la Géorgie en 2008 et à l’annexion de la Crimée en 2014, voire à la politique du fait accompli de Pékin en Mer de Chine.
Désormais, nous assistons à une remise en cause globale du système multilatéral par la montée des nationalismes et des populismes ainsi que par la réaffirmation de stratégies de puissance et d’influence des États, mais surtout par le désengagement actuel des États-Unis qui furent pourtant le principal architecte du multilatéralisme. À titre d’exemple, je citerai la volonté de l’administration Trump de se retirer de l’UNESCO, de l’accord sur le nucléaire iranien ou de l’accord de Paris, ou encore les menaces régulières de quitter l’OTAN. Ces décisions de notre partenaire américain affaiblissent considérablement le système multilatéral et nous le regrettons.
La Conférence de Munich a été l’occasion d’évoquer la capacité de l’Europe à assurer sa sécurité ainsi que son rôle dans la refondation du multilatéralisme, notamment aux côtés de nos partenaires canadiens et japonais. La coopération structurée permanente, la future initiative européenne d’intervention, tout comme les programmes communs d’armement avec l’Allemagne annoncés lors du sommet de Meseberg constituent, à cet égard, des avancées déterminantes.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, quelle est la feuille de route pour renforcer la sécurité collective de l’Europe et pour enclencher, avec nos partenaires, une dynamique forte de refondation du système multilatéral ?
Réponse de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous avez fait référence à la conférence de Munich qui est, chaque année, le baromètre de l’état des relations internationales sur les questions de sécurité et sur les grands enjeux de la planète.
Mme Florence Parly et moi-même avons participé à cette conférence et j’en retiens trois leçons. La première, sans doute la plus importante, est le constat d’un très gros écart entre les conceptions de l’administration américaine et celles de ses alliés sur de nombreux sujets, en particulier la gestion des instruments du multilatéralisme. Je crois n’avoir jamais observé un tel isolement de l’administration américaine par rapport à ses alliés – je parle bien de l’administration américaine et non pas des États-Unis.
La deuxième leçon concerne l’impérieuse nécessité pour l’Europe de s’unir afin d’assurer sa propre sécurité et ainsi d’éviter d’être le témoin d’événements qui se déroulent sur son territoire et dont la maîtrise lui échappe totalement. L’Europe peut-elle être au rendez-vous des grands défis de ce temps, en particulier de sa sécurité, tout en respectant ses alliances ?
Enfin, il nous est apparu indispensable de contribuer à la refondation du multilatéralisme. Le multilatéralisme, ce sont des règles, des traités, le contraire de la loi du plus fort. Les puissances et les bonnes volontés sont-elles suffisamment nombreuses aujourd’hui pour relancer le multilatéralisme sous de nouvelles formes face aux grands enjeux sécuritaires mais aussi climatiques, numériques et migratoires ? C’est ce que mon collègue allemand et moi avons essayé de faire.
Peut-être cette conférence de Munich sera-t-elle la première d’un nouveau multilatéralisme. (