Question n° 35493 publiée le 12/01/2021
Mme Amélia Lakrafi attire l’attention de M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles, sur les conditions de contrôle et d’encadrement des séjours de rupture organisés par les départements au titre de l’aide sociale à l’enfance à destination d’adolescents en très grande difficulté. Ces séjours de rupture, dont l’organisation est, pour l’essentiel, confiée par les collectivités concernées à des partenaires associatifs, peuvent se dérouler dans un pays étranger. Cette pratique a même eu tendance à prendre de l’ampleur au cours de ces dernières années, avec des résultats unanimement reconnus sur l’insertion des jeunes qui y participent. Toutefois, certaines dérives sont malheureusement ponctuellement à déplorer, comme elle a pu le constater dans l’un des pays de sa circonscription où des séjours de cette nature sont régulièrement organisés pour le compte de plusieurs départements français par une antenne associative locale. Les modalités de financement de ces séjours, qui reposent sur un forfait journalier par jeune accueilli, calqué sur les pratiques tarifaires de ce type de prise en charge en France, peuvent constituer une manne financière sujette à dérives et à détournements dans les pays où le coût de la vie et le salaire minimum moyen sont très inférieurs à ceux de la France. Au-delà de l’enjeu du bon usage des deniers publics que soulèvent ces actes délictueux, leur orchestration par des individus peu scrupuleux se fait bien souvent au détriment de la qualité de l’accueil des jeunes et en contradiction totale avec le projet pédagogique initialement visé. Sans méconnaître la liberté dont jouissent les collectivités départementales dans ce domaine qui relève de l’une de leurs compétences obligatoires, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de mieux réguler et contrôler les conditions de déroulement de ces séjours de rupture à l’étranger.
Réponse : Les séjours dits de rupture constituent des réponses adaptées à certaines situations. Ils concernent principalement des jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, dans le cadre de l’ordonnance du 2 février 1945. Il s’agit d’outils très utiles dans certains cas. Ils créent une rupture temporaire du mineur avec son environnement et avec son mode de vie habituel tout en poursuivant différents objectifs : – Engager des jeunes dans un processus de changement qui les amène à travailler l’estime de soi, à découvrir de nouvelles cultures, à faciliter leur socialisation et leur citoyenneté, à vivre au quotidien dans un autre environnement (par exemple dans le cadre de séjours ou camps éducatifs, y compris à l’étranger) ; – Empêcher des ruptures de parcours dans le cadre de la prévention des situations de crise et/ou en réponse à des incidents pouvant conduire à une interruption anticipée du placement. La note d’instruction de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du 26 mars 2015, complétée par celle du 6 février 2017, pose le cadre de référence en matière de séjours et déplacements éducatifs à l’étranger et en Outre-mer. Tout en réaffirmant l’intérêt pédagogique de ce type de prise en charge éducative, cette note d’instruction encadre ces séjours de façon à maîtriser les risques qu’ils engendrent. En effet, il s’agit de prises en charge qui peuvent s’avérer complexes, pour des jeunes en rupture avec les institutions et qui peuvent adopter des comportements dangereux y compris pour eux-mêmes. Plus largement, la remobilisation des mineurs pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse fait partie inhérente de l’action éducative quotidienne, dans une logique de continuité de parcours et, souvent, de transition vers un nouveau projet de vie. Elle s’appuie sur un encadrement éducatif permanent, un programme d’activités soutenu et un partage du temps de la vie quotidienne, qui favorise la dynamique de cohésion de groupe. S’agissant plus particulièrement des adolescents confiés à l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et protection de l’enfance 2020-2022 (annoncée le 14 octobre 2019), figure l’objectif de « mieux structurer l’offre de séjour et de répit » au sein de l’engagement numéro 2 « sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures ». Pour cette raison, un travail sera prochainement mené afin de définir leur fonctionnement et leur encadrement tout en garantissant sa mise en œuvre aux bénéfices des jeunes protégés. Par ailleurs, une étude est en cours afin de définir des critères et des normes d’encadrements opposables en fonction de l’âge et des besoins des enfants et applicables à tous les établissements et services médico-sociaux en protection de l’enfance. Une refondation du régime d’autorisation et de contrôle des établissements de la protection de l’enfance est également prévue. Ces mesures permettront notamment de préciser et de sécuriser le cadre dans lequel de tels séjours peuvent être mis en œuvre.